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Echos du terrain: L'intégration des pharmacies augmente l'accès à la planification familiale et réduit la stigmatisation dont sont victimes les patients séropositifs vivant dans les zones rurales

« Avant que ne débute le processus d’intégration, la discrimination était omniprésente car il n’y avait qu’un seul bureau et les patients devaient faire la queue à l’extérieur. Du coup, tout le monde savait qu’ils étaient séropositifs. Maintenant que le processus est enclenché, vous pouvez vous rendre dans un bureau et bénéficier des services dont vous avez besoin. » - Un client séropositif vivant dans une zone rurale au Rwanda

pharmacist and clientRiche d’une expérience de vingt ans dans l’amélioration du système de santé rwandais, IntraHealth International dirige le Programme de services cliniques de lutte contre le VIH/SIDA (HCSP) dans quatre districts en vue d’intégrer la planification familiale à tout un ensemble de services, notamment ceux de lutte contre le VIH. Le mécanisme d’intégration permet aux clients d’être plus exposés aux méthodes de planification familiale et, ainsi, d’être plus enclins à les adopter. L’intégration de la planification familiale est une des composantes du programme HCSP au Rwanda visant à renforcer les systèmes de soins au niveau national et à élargir l’accès aux services de lutte contre le VIH/SIDA dans les districts de Gasabo, Gicumbi, Nyagatare et Rulindo.

En 2007, le centre de soins de Munyinya, soutenu par HCSP dans le district de Gicumbi, a commencé à intégrer la planification familiale à l’ensemble de ses services. Auparavant, le centre abritait un pavillon séparé pour les services de soins et de traitement du VIH/SIDA. Mais à cause de cette ségrégation des services, il était devenu aisé d’identifier les clients séropositifs qui faisaient, dès lors, l’objet de discriminations. De plus, les services de planification familiale pour les clients infectés par le virus étaient dispensés depuis un comptoir pharmaceutique situé à l’intérieur de l’unité, à l’extérieur de laquelle les clients devaient faire la queue. Ils se voyaient juste remettre les médicaments derrière le guichet sans être examinés et sans pouvoir poser de questions relatives à leur traitement. Dans de pareilles conditions, il devenait difficile de préserver leur confidentialité. Pour cette raison, certains clients séropositifs préféraient même ne pas s’y rendre plutôt que d’être stigmatisés. Ainsi, très peu d’entre eux ont pu profiter des méthodes de planification familiale. Un danger quand on sait que les grossesses non planifiées chez les couples infectés par le virus peuvent se traduire par une transmission du VIH à l’enfant mais aussi par une augmentation du taux de mortalité maternelle.

pharmacist and clientEn octobre 2008, les pharmacies en place dans le centre de santé de Munyinya ont donc fusionné afin d’en créer une seule, intégrée à l’établissement principal et dispensant un traitement antirétroviral et des méthodes de planification familiale en plus d’autres médicaments, tout en donnant la possibilité aux clients de bénéficier de services de conseil à l’abri des regards et auprès d’un prestataire qualifié. Par la mise en place d’un tel mécanisme d’intégration, l’objectif était d’accroître l’utilisation des méthodes de planification familiale parmi les clients séropositifs, de réduire les préjugés dont ils sont victimes et d’améliorer la satisfaction des prestataires et des patients.

Cet espoir n’a pas tardé à se concrétiser et l’impact de l’intégration des services au niveau du centre s’est avéré très positif. Le Ministère de la Santé l’a même surnommé « le modèle d’intégration de la Province Nord. »

L’utilisation des méthodes de planification familiale s’est d’ailleurs sensiblement accrue. Alors qu’en octobre 2007, on estimait que 26% de la population adulte masculine et féminine couverte dans la zone de Munyinya recourait à ces méthodes (1 056 sur 4 055), ce taux est passé à 34% (1 643 sur 4 864) un an plus tard, avant d’atteindre 41% (2 007 sur 4 864) en avril 2009. Par ailleurs, entre octobre et décembre 2008, seulement 12% des hommes et des femmes bénéficiant de traitements antirétroviraux dans ce centre ont recouru à des méthodes de planification familiale. En avril 2009, le taux était grimpé à 94%.

Comme on pouvait l’espérer, aussi bien les prestataires de services que les clients séropositifs ont déclaré que la discrimination, autrefois monnaie courante, avait disparu depuis la mise en place de la pharmacie intégrée. « Les clients ne sont plus stigmatisés, » affirme le directeur du centre de santé de Munyinya. « Tous les patients prennent leurs médicaments au même endroit et personne à l’extérieur ne sait ce qu’on leur donne. »

pharmacist and clientCe processus d’intégration a également permis d’augmenter le nombre de prestataires qualifiés en conseils relatifs à la planification familiale et en traitement du VIH. Avant la mise en place de ce mécanisme, un seul prestataire était formé en counseling contre cinq à l’heure actuelle. De même, alors que deux agents sanitaires étaient formés aux soins généraux et au traitement à dispenser aux clients séropositifs avant l’intégration, on en dénombre désormais quatre.

Aussi bien les clients que le personnel du centre de santé se montrent enthousiastes quant à l’ajout de la planification familiale et de la thérapie antirétrovirale dans le paquet de soins de santé primaires. Les agents sanitaires pensent d’ailleurs que l‘intégration des services de planification familiale les aidera à être plus performants en termes de prestation de services. Ce processus table, en effet, sur une meilleure utilisation des infrastructures et du personnel en place, permet de dispenser un grand nombre de services à chaque visite et s’avère aussi plus rentable. « Ma charge de travail a diminué, » constate le directeur du centre. « Désormais, je peux faire profiter le patient de plusieurs services à la fois. Je perçois cela comme un véritable avantage. »

Lancé en juin 2007, le programme HCSP Rwanda a contribué de manière significative à l’atteinte des objectifs nationaux et de ceux fixés par le Plan d’urgence du Président américain contre le SIDA (PEPFAR). De même, le programme HCSP travaille en étroite collaboration avec le Ministère rwandais de la Santé afin d’étendre les activités des services cliniques de lutte contre le VIH/SIDA et d’accroître leur capacité en termes de soins palliatifs, d’intégration des services de lutte contre la tuberculose et le VIH, de planification familiale, de soins garants de l’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que d’autres services de prévention tels que ceux préconisant l’abstinence et la fidélité et d’autres programmes visant à promouvoir l’utilisation du préservatif et la prévention de la transmission du virus. Ce programme quinquennal doté de 27 millions de dollars USD est financé par l’Agence américaine d’aide au développement international (USAID).

Les photos ci-dessus ne peuvent être considérées comme représentatives de l’état de santé des patients.